Que ce soit dans les entreprises, comme dans les collectivités, les administrations ou les associations, pour tout employeur, la démarche d'identification des risques est une étape clé dans la conception du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Cette phase consiste à repérer les dangers potentiels dans l'entreprise qui pourraient nuire à la santé ou à la sécurité des salariés.
Au préalable, le choix des unités de travail est une étape fondamentale dans l'élaboration du DUERP. Ce sont les segments ou sous-ensembles de l'entreprise ou de la collectivité pour lesquels les risques sont identifiés, évalués et gérés. Le bon découpage en unités de travail est crucial, car il conditionne la pertinence et l'efficacité de l'évaluation des risques. Voici pourquoi le choix des unités de travail est si important et comment le faire correctement.
Définition des unités de travail
Une unité de travail est un regroupement d'activités ou de postes similaires au sein de l'entreprise ou de la collectivité et au sens plus large, dans l'organisation du travail. Ce regroupement peut se faire en fonction de critères divers, tels que :
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La fonction ou le métier, par exemple, les postes de manutentionnaires, d'opérateurs de machine, de personnel administratif ;
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L’emplacement géographique, tel que les ateliers de production, les bureaux, les zones de stockage, les chantiers extérieurs ;
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Les processus ou les phases de production, dans ce cas les unités de travail peuvent correspondre aux différentes étapes d'une chaîne de production (préparation, fabrication, conditionnement) ;
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Les horaires ou la composition des équipes, ainsi les équipes de jour, de nuit ou de week-end peuvent constituer des unités de travail distinctes si les conditions de travail diffèrent significativement.
Si le choix de la configuration des unités de travail reste libre et multiple, il n'en demeure pas moins complexe parfois et surtout déterminant pour assurer ensuite un management pertinent des risques professionnels.
Importance du choix des unités de travail
Le choix des unités de travail influence directement la précision de l'évaluation des risques professionnels et la pertinence des mesures de prévention. En regroupant des activités similaires dans une même unité de travail, on garantit que l'évaluation des risques est spécifiquement adaptée aux conditions réelles de travail. Par exemple, les risques encourus par un soudeur dans un atelier métallurgique sont différents de ceux d'un employé administratif et doivent donc être évalués séparément.
Une unité de travail bien définie permet d'identifier avec précision les risques spécifiques à chaque groupe de travailleurs. Un découpage trop large pourrait diluer les risques spécifiques, tandis qu'un découpage trop fin pourrait rendre l'évaluation trop complexe et difficile à gérer.
Les mesures de prévention doivent être adaptées aux risques spécifiques de chaque unité de travail. Si celles-ci sont mal définies, les mesures de prévention pourraient être inappropriées ou inefficaces. Un découpage logique et pertinent des unités de travail facilite la mise à jour du DUERP, en particulier lors de modifications dans l'organisation ou dans les activités de l'entreprise.
Critères pour choisir les unités de travail
Pour définir les unités de travail de manière efficace, plusieurs critères doivent être pris en compte de manière cumulative ou plus exclusive selon les besoins :
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Regroupez les postes ou les activités qui présentent des conditions de travail et des risques similaires. Par exemple, tous les opérateurs de machine d'une même ligne de production pourraient former une unité de travail.
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Si certains postes ou activités présentent des risques très spécifiques, il peut être judicieux de les isoler dans une unité de travail distincte. Par exemple, un poste exposé à des risques chimiques doit être évalué séparément des autres activités moins exposées.
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Tenez compte de l'organisation interne de l'entreprise ou de la collectivité, comme les départements ou les services, pour définir les unités de travail. Cela facilite l'intégration du DUERP dans la gestion quotidienne, ainsi que l'appropriation par les travailleurs concernés.
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Les unités de travail peuvent également être définies en fonction de la localisation géographique. Par exemple, si une entreprise possède plusieurs sites, chacun d'eux peut constituer une ou plusieurs unités de travail. Ce choix impose néanmoins de la prudence, au risque de multiplier les actions de prévention similaires qui pourraient présenter un intérêt à être globaliser.
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Les horaires ou la composition des équipes (jour/nuit, rotation des postes) peuvent justifier la création d'unités de travail distinctes. Cela permet de mieux prendre en compte les risques liés à la fatigue, à l'organisation du temps de travail, etc.
En définitive, pour l'employeur, le choix des unités de travail dans l'élaboration du document unique repose sur une approche qui peut être stratégique en termes d'efficacité dans le management des risques professionnels, en ayant pour finalité de trouver la plus grande efficacité possible dans le temps, notamment lorsqu'il s'agira d'élaborer un plan d'actions préventives et/ou correctives. Pour l'employeur, il ne suffit pas seulement de répondre à une obligation règlementaire issue notamment du code du travail, mais avant tout de concevoir sa politique de prévention des risques liés à la santé et à la sécurité pour ses travailleurs.
Exemples de découpage en unités de travail (UT)
Pour une entreprise industrielle :
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Atelier de fabrication : UT regroupant les opérateurs de machines, les techniciens de maintenance, etc. ;
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Service logistique : UT regroupant les caristes, les manutentionnaires, les préparateurs de commandes, etc. ;
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Bureau d'études : UT spécifique pour les ingénieurs, les dessinateurs, etc.
Dans une entreprise de services :
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Service commercial : UT pour les commerciaux sédentaires et itinérants ;
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Service client : UT pour les agents en charge du support client ;
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Service administratif : UT pour les secrétaires, les comptables, etc.
Concernant une entreprise du bâtiment :
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Chantier de construction : UT regroupant les maçons, les électriciens, les plombiers, etc. ;
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Atelier de préfabrication : UT pour les ouvriers en charge des éléments préfabriqués ;
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Bureau de chantier : UT pour les conducteurs de travaux, les chefs de chantier, etc.
Évaluation continue et ajustements
Il est important de rappeler que le choix des unités de travail n'est pas figé au sein des établissements ou des entreprises. Au fur et à mesure que ceux-ci évoluent, les unités de travail peuvent nécessiter des ajustements pour rester pertinentes. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit :
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D'une évolution organisationnelle comme une réorganisation interne, l'introduction de nouvelles technologies ou la modification des processus de production qui peuvent rendre nécessaire un redécoupage des unités de travail.
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D'un retour d’expérience de la part des salariés et/ou des audits qui peuvent révéler des lacunes dans le découpage initial, justifiant des ajustements.
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D'un changements réglementaires qui implique des évolutions en matière de santé et sécurité au travail et qui peuvent aussi nécessiter une révision du découpage des unités de travail.
Le choix des unités de travail est donc une étape stratégique dans l'élaboration du DUERP. Il permet de structurer l'évaluation des risques professionnels de manière adaptée aux réalités de l'entreprise, de la collectivité, de l'établissement, de l'association et/ou de l'organisation du travail d'une manière générale. Un découpage pertinent des unités de travail assure alors une meilleure identification, une évaluation adaptée et une gestion spécifique des risques, garantissant ainsi la sécurité et la santé des travailleurs tout en facilitant le suivi et la mise à jour du DUERP.
Analyse des situations de travail
L'identification des risques professionnels nécessite une analyse approfondie des situations de travail. Cette analyse doit être effectuée pour chaque poste, chaque tâche et chaque environnement de travail.
Cela peut nécessiter par exemple d'examiner chaque poste en détail, y compris les équipements utilisés, les méthodes de travail et les conditions environnementales. Par exemple, un poste de manutentionnaire exposé à des charges lourdes pourrait présenter des risques de troubles musculosquelettiques (TMS). L'analyse peut aussi impliquer des visites régulières sur les lieux de travail pour observer directement les conditions réelles. Cette étape permet de repérer des situations dangereuses que les salariés ou les responsables pourraient ne pas percevoir comme des risques.
Il peut être aussi utile de décomposer chaque processus de travail pour identifier les risques à chaque étape. Par exemple, un processus de production industrielle pourrait impliquer des risques de coupure, de brûlure ou d'exposition à des substances dangereuses.
Identification des types de risques
Les risques identifiés peuvent être catégorisés pour faciliter leur évaluation et leur gestion, selon les principales thématiques suivantes :
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Risques physiques : Incluent les risques liés aux conditions physiques du travail comme les bruits, les vibrations, les températures extrêmes, les rayonnements ou les postures contraignantes.
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Risques chimiques : Concernent l'exposition à des substances dangereuses (ex. : produits chimiques, gaz, poussières) qui peuvent être inhalées, ingérées ou entrer en contact avec la peau.
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Risques biologiques : Relatifs à l'exposition à des agents pathogènes tels que des virus, des bactéries, des moisissures, souvent présents dans les secteurs de la santé, de l'agroalimentaire ou de la gestion des déchets.
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Risques psychosociaux : Comprennent les risques liés à l'organisation du travail, au stress, aux conflits, à la charge de travail excessive, au harcèlement, etc.
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Risques liés aux équipements de travail : Concernent les dangers associés à l'utilisation des machines, des outils, des véhicules ou de tout autre équipement.
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Risques liés aux conditions de circulation : Impliquent les risques d'accidents liés aux déplacements internes (dans les locaux) ou externes (trajets professionnels).
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Risques ergonomiques : Impliquent les risques liés aux mauvaises postures, aux gestes répétitifs, à la manutention manuelle ou à l’aménagement inadéquat du poste de travail.
Recueil des informations auprès des salariés
Les salariés sont souvent les mieux placés pour identifier les risques liés à leur activité quotidienne. Il est donc essentiel de les impliquer par l'intermédiaire de questionnaires distribués et/ou en organisant des entretiens pour recueillir les perceptions des travailleurs sur les risques auxquels ils sont exposés. Cela permet de détecter des risques spécifiques, parfois ignorés par la direction.
Il peut être également utile d'organiser et d'animer des groupes de travail ou des réunions spécifiques au cours desquels les salariés peuvent partager leurs expériences et signaler des situations dangereuses.
Exploitation des données existantes
Utilisez les données déjà disponibles dans l'entreprise ou la collectivité pour compléter l'identification des risques grâce, notamment à l'analyse des accidents passés pour identifier des risques récurrents et/ou des situations dangereuses qui n'ont pas encore été corrigées.
Les rapports de la médecine du travail peuvent révéler des problèmes de santé liés aux conditions de travail, tels que des TMS ou des troubles psychosociaux.
L'exploitation des résultats des audits internes ou externes, ainsi que des inspections menées par les services de santé et de sécurité pour identifier des risques non résolus est aussi une approche complémentaire et utile.
Utilisation d'outils et de méthodes d'analyse
Il existe plusieurs outils et diverses méthodes pour structurer l'identification des risques, selon les besoins. Ceux-ci peuvent néanmoins se révéler complexes et peut communs aux utilisateurs non rompus à ces techniques d'analyse (ex. : check-lists, grilles d'évaluation, matrice de criticité, arbre des causes, méthode AMDEC, méthode HACCP, méthode 5M).
Les check-lists et les grilles d'évaluation
Les check-lists sont des listes préétablies d'éléments à vérifier ou d'étapes à suivre pour identifier les risques. Elles sont souvent spécifiques à un secteur ou à une activité et peuvent inclure des questions précises pour chaque type de risque (sécurité incendie, ergonomie, produits chimiques, etc.). Leur usage s'articule en quatre étapes :
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Sélectionner ou élaborer une check-list adaptée à l’activité analysée.
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Passer en revue chaque élément de la check-list pour vérifier la présence de risques.
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Noter les risques identifiés et les classer en fonction de leur gravité et probabilité.
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Utiliser les résultats pour alimenter le DUERP et planifier des actions correctives.
Les check-lists sont simples à utiliser et permettent de garantir que tous les aspects importants ont été pris en compte. Elles sont particulièrement utiles pour les évaluations régulières ou pour les secteurs où les risques sont bien documentés.
La matrice de criticité
Une matrice de criticité est un outil qui permet de classer les risques en fonction de deux critères principaux : la gravité de l'impact et la probabilité d'occurrence. Selon les besoins, il est aussi possible de conjuguer d'autres critères qui viennent alimenter les deux points d'entrée principaux. Les risques sont alors placés dans cette matrice de criticité où les axes représentent la gravité et la probabilité. La démarche d'analyse comporte quatre étapes principales :
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Identifier les risques à analyser, par exemple à l'aide d'une check-list comme abordé ci-dessus.
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Évaluer chaque risque selon sa gravité et sa probabilité d’occurrence (souvent sur une échelle de 1 à 5).
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Placer chaque risque dans la matrice pour visualiser lesquels sont les plus critiques.
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Prioriser les risques pour définir les actions à mettre en place en premier.
La matrice de criticité aide à visualiser rapidement quels risques nécessitent une attention prioritaire, facilitant ainsi la prise de décision. On peut constater qu'il s'agit d'un bon complément aux check-lists et aux grilles d'évaluation, car cela permet d'objectiver l'importance et la graduation de certains risques.
L'arbre des causes
L'usage de l'arbre des causes est généralement développé pour réaliser l'analyse d'une situation dangereuse, d'un évènement ou d'un accident, afin d'identifier les risques sous-jacents. Cet outil d'analyse permet de remonter à l'origine d'un incident ou d'un accident en identifiant les différentes causes qui y ont contribué. C'est une méthode visuelle où chaque ramification permet de représenter une cause contributive, selon le processus suivant :
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Recueillir les faits liés à l'incident, en interrogeant les témoins et en consultant les rapports d'accidents.
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Identifier les causes directes et indirectes en posant la question "Pourquoi ?" pour chaque fait constaté.
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Construire l'arbre en partant de l'incident ou de l'accident constaté et en allant vers le haut, avec chaque cause possible comme branche de l'arbre.
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Analyser l'arbre pour déterminer les causes principales à éliminer en priorité et définir les mesures correctives.
L'arbre des causes permet d'identifier non seulement les causes immédiates mais aussi les causes profondes, favorisant ainsi la mise en place d'actions correctives efficaces.
La méthode AMDEC
L'Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leurs Criticité (AMDEC) est une méthode d'analyse systématique qui permet d'identifier les modes de défaillance possibles dans un processus ou un système, d'en évaluer les effets sur l'ensemble du système et de déterminer la criticité de chaque défaillance en fonction de sa gravité, de sa fréquence et de sa détectabilité. L'analyse se déroule en cinq étape successives :
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Lister tous les éléments du système ou du processus à analyser.
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Identifier les modes de défaillance pour chaque élément (ce qui peut mal tourner).
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Évaluer les effets potentiels de chaque défaillance sur le système ou le processus.
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Calculer la criticité en combinant les scores de gravité, de fréquence et de détectabilité (souvent à l'aide d'une matrice).
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Prioriser les défaillances à traiter en fonction de leur criticité.
L'AMDEC est particulièrement utile pour les processus complexes où de nombreuses interactions peuvent entraîner des risques. Elle permet de concentrer les efforts sur les risques les plus critiques. Son usage nécessite toutefois une certaine pratique en termes d'analyse des risques.
La méthode HACCP
Initialement développée pour l'industrie alimentaire, la méthode Hazard Analysis Critical Control Point (HACCP) est une approche systématique d'identification, d'évaluation et de maîtrise des risques, notamment ceux liés à la sécurité des produits. Elle est également applicable à d'autres secteurs pour l'analyse des points critiques de contrôle et repose sur six étapes successives :
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Identifier les dangers (Hazards - H) qui pourraient affecter la sécurité dans le processus.
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Déterminer les points critiques pour la maîtrise (Critical Control Points - CCP) où des mesures peuvent être appliquées pour prévenir ou éliminer les dangers ou les réduire à un niveau acceptable.
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Établir des seuils critiques pour chaque CCP, au-delà desquels une action corrective doit être mise en œuvre.
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Mettre en place des procédures de surveillance pour chaque CCP.
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Définir des actions correctives à entreprendre si un seuil critique est franchi.
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Vérifier l'efficacité de la méthode par des audits réguliers et des mises à jour du système.
La méthode HACCP est très efficace pour prévenir les risques liés à la qualité et à la sécurité, en particulier dans les processus où la sécurité des produits ou des services est cruciale. Cette méthode requière toutefois une certaine pratique et une capacité réelle à pouvoir conduire l'analyse dans sa globalité.
La méthode 5M (diagramme Ishikawa, en arêtes de poisson)
Le diagramme des causes et des effets (ou diagramme Ishikawa, en arêtes de poisson) permet d'identifier et de classer les causes potentielles d'un problème ou d'un risque. Il est structuré autour de cinq catégories principales (les 5M) : Matière, Méthode, Matériel, Main-d'œuvre, Milieu. Sa mise en œuvre implique une analyse en quatre étapes :
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Définir le problème ou le risque à analyser.
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Dessiner le diagramme en plaçant le problème à la tête du poisson.
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Identifier les causes potentielles du problème dans chaque catégorie des 5M (chacune de ces catégories représente une arête dans le diagramme).
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Analyser les causes pour déterminer lesquelles sont les plus critiques et méritent des actions correctives.
Ce diagramme aide à structurer la réflexion autour des causes d’un problème en les classant par catégorie, ce qui permet de ne pas négliger certains aspects.
Conclusion
L'utilisation de ces outils et de ces méthodes permet de structurer l'identification et l'analyse des risques professionnels de manière objective. Chaque outil a ses spécificités et peut être plus ou moins adapté en fonction de la nature des activités de l'entreprise. Une approche combinée de plusieurs outils peut souvent offrir une vue d'ensemble plus complète et permettre une meilleure gestion des risques.
Documenter les risques identifiés
Une fois les risques identifiés, il est essentiel de les documenter avec précision dans le DUERP.
Décrivez chaque risque de manière détaillée le cas échéant en créant des pages spécifiques, en précisant le poste concerné, les conditions dans lesquelles il survient et les conséquences potentielles pour la santé et la sécurité. Identifiez l'origine du risque, par exemple un équipement défectueux, une substance dangereuse ou une mauvaise organisation du travail. Déterminez quels salariés ou groupes de salariés sont exposés au risque.
En suivant ces étapes, vous pourrez dresser un inventaire exhaustif des risques professionnels dans votre entreprise, base indispensable pour évaluer leur gravité et leur probabilité, et ainsi définir les actions de prévention nécessaires.