Disposer du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est une obligation pour toutes les entreprises et certaines administrations publiques en France. Il recense et évalue les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, les agents et d'une manière générale, l'ensemble des travailleurs. Ce document est un pilier de la politique de prévention des risques professionnels et vise à améliorer la sécurité et la santé au travail.
Le DUERP concerne toutes les structures employant au moins un salarié ou un agent. Cela inclut :
- Les entreprises privées, qu'elles soient industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, etc.
- Les établissements publics, y compris ceux de la fonction publique d'État, territoriale, et hospitalière.
- Les associations employant du personnel.
Obligations selon la nature d'entreprise
Petites et Moyennes Entreprises (PME)
Les PME, comme toute autre entreprise, doivent rédiger un DUERP dès l’embauche du premier salarié (Article R. 4121-1 du code du travail). Elles doivent le mettre à jour au moins une fois par an (Article R. 4121-2 du code du travail) ou dès qu’une modification significative des conditions de travail se produit.
Les Très Petites Entreprises (TPE) de moins de 11 salariés peuvent opter pour une version simplifiée du DUERP (Article L. 4121-3 du code du travail), adaptée à la taille et aux spécificités de l'entreprise, mais doivent néanmoins respecter les obligations de mise à jour et d'accès.
Grandes Entreprises
Les grandes entreprises, en raison de la diversité des risques, doivent inclure un plan d'actions très détaillé dans le DUERP. Ce plan d'actions doit prévoir des mesures précises pour chaque poste de travail ou activité à risque (Article R. 4121-1-1 du code du travail).
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le DUERP doit être élaboré en collaboration avec le Comité Social et Économique (CSE - Article L. 2312-9 du code du travail). Une commission dédiée à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail (C2SCT) peut être impliquée dans les grandes entreprises.
Secteurs à risques particuliers
Pour les entreprises opérant dans des secteurs à risques élevés (industrie chimique, BTP, etc.), le DUERP doit comporter une évaluation spécifique des risques tels que l’exposition aux produits dangereux, le travail en hauteur ou les risques mécaniques (Article R. 4412-1 et suivants du code du travail). Des dispositions spécifiques comme l’analyse des risques liés aux machines ou aux substances chimiques doivent être incluses.
Les salariés doivent recevoir une formation spécifique en lien avec les risques identifiés dans le DUERP (Article R. 4141-2 du code du travail).
Obligations dans la fonction publique
Fonction publique d'État
Le DUERP s'applique à tous les services et établissements relevant de ce versant, y compris les ministères, les administrations centrales et déconcentrées, ainsi que les établissements publics (Article 3 du décret n°82-453 du 28 mai 1982).
La Formation Spécialisée en Santé, Sécurité et Conditions de Travail (F3SCT) ou le Comité Social d’Administration (CSA) doit être associé à la conception et à la mise à jour du DUERP.
Fonction publique territoriale
Les collectivités territoriales doivent établir un DUERP pour chaque service ou établissement. Les mairies, départements et régions doivent veiller à la spécificité des risques locaux (Article 108-3 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée).
Dans les collectivités de grande taille, une évaluation des risques peut être effectuée par site ou par type de service (Articles 2-1 à 2-5 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 modifié).
Fonction publique hospitalière
Les établissements hospitaliers doivent prendre en compte les risques spécifiques liés à la santé, comme l’exposition aux agents biologiques, les risques psychosociaux ou les risques liés au travail de nuit (Article R. 4121-1 du code du travail et Article 27 du décret n°82-453 du 28 mai 1982).
Le plan d'actions du DUERP doit inclure des mesures de prévention contre les infections nosocomiales et la gestion des accidents d'exposition au sang (AES - Circulaire DHOS/P2 n°2002-280 du 2 mai 2002).
Évolutions Réglementaires : Impact de la Loi de Transformation de la Fonction Publique
La loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a introduit des modifications significatives dans la gestion des ressources humaines et la prévention des risques professionnels. Voici les principaux impacts sur le DUERP :
Fusion des instances de dialogue social
La loi a instauré la fusion des instances représentatives du personnel, notamment par la création du Comité Social d'Administration (CSA) dans les fonctions publiques d'État et hospitalière, ainsi que du Comité Social Territorial (CST) dans la fonction publique territoriale. Ces comités remplacent les CHSCT (Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) et sont désormais responsables de la consultation sur le DUERP et de son suivi (Article 5 de la loi n°2019-828).
Les CSA/CST ont une compétence élargie en matière de prévention des risques et doivent être consultés sur toutes les questions relatives à la santé, la sécurité et les conditions de travail, incluant la validation du DUERP (Articles L. 2312-8 et L. 2312-9 du code du travail).
Simplification des procédures
La loi encourage une évaluation des risques décentralisée au niveau des services ou des unités opérationnelles, notamment dans les grandes administrations ou collectivités, pour mieux adapter le DUERP aux réalités locales (Articles 8 et 9 du décret n°85-603 modifié).
Formation des agents
La loi renforce l’obligation de formation des agents sur les risques professionnels identifiés dans le DUERP, avec une attention particulière pour les risques psychosociaux et les nouvelles formes de risques liées aux évolutions technologiques (Article 23 de la loi n°2019-828).
Rôle des instances représentatives du personnel spécialisées pour la santé, la sécurité et les conditions de travail dans le DUERP
Les instances représentatives du personnel jouent un rôle clé dans la conception, la validation et le suivi du DUERP. Ces instances, sp écialisées dans les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, sont essentielles pour garantir une évaluation efficace des risques et la mise en place de mesures préventives appropriées.
Formation Spécialisée en matière de Santé, Sécurité et Conditions de Travail (F3SCT) La F3SCT est une formation spécialisée au sein du Comité Social d’Administration (CSA) pour la fonction publique d'État et hospitalière, ainsi qu'au sein du Comité Social Territorial (CST) pour la fonction publique territoriale. Elle remplace les anciens Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) et se concentre sur les questions spécifiques de santé, de sécurité et de conditions de travail des agents publics. La F3SCT participe activement à la conception, à la mise à jour et au suivi du DUERP. Elle doit être consultée sur le contenu du DUERP, apporter des avis, des recommandations et veiller à ce que le document prenne bien en compte l'ensemble des risques professionnels spécifiques au secteur public concerné.
Toute modification importante du DUERP doit faire l'objet d'une consultation préalable de la F3SCT. De plus, lors des révisions annuelles du document, la F3SCT doit être associée pour s'assurer que les mises à jour reflètent les réalités du terrain et les nouvelles situations de travail.
Comité Social et Économique (CSE) dans le secteur privé
Dans les entreprises privées, le CSE, issu de la fusion des anciennes instances représentatives (CE, DP, CHSCT), a une compétence générale en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique du CSE, dédiée à ces questions, doit être créée.
Le CSE doit être consulté lors de la conception du DUERP. Il a le droit de proposer des actions correctives et de veiller à leur mise en œuvre. Le CSE peut également demander des expertises indépendantes sur des points spécifiques du DUERP, notamment en cas de désaccord sur les évaluations de risques.
Le CSE, via sa commission spécialisée, doit suivre l'application des mesures de prévention inscrites dans le DUERP et peut exiger des comptes de l’employeur sur l’évolution des risques et l’efficacité des actions mises en place.
Formation spécialisée dans les grandes entreprises
Les grandes entreprises (plus de 300 salariés) doivent mettre en place une formation spécialisée au sein du CSE, focalisée sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Cette formation a un rôle clé dans l'analyse des risques et dans le contrôle de l'application des mesures de prévention.
La formation spécialisée participe à l’élaboration du DUERP et doit être consultée lors de chaque mise à jour. Elle contribue à identifier les risques spécifiques et à élaborer des plans d’action précis pour y remédier. La formation spécialisée a également la charge de veiller à ce que le DUERP soit régulièrement revu et mis à jour selon les évolutions dans l'entreprise.
Pouvoirs des instances spécialisées
Les F3SCT dans la fonction publique et les commissions spécialisées dans le secteur privé ont le pouvoir de demander des expertises indépendantes si elles estiment que le DUERP ne prend pas suffisamment en compte certains risques ou si les mesures de prévention ne sont pas adaptées. Elles peuvent également proposer des amendements au DUERP avant sa validation finale.
En cas de danger grave et imminent, les membres des F3SCT ou des commissions spécialisées du CSE peuvent exercer leur droit d’alerte, ce qui peut conduire à une révision immédiate du DUERP ou à la mise en place de mesures d'urgence.
Les membres de ces instances spécialisées doivent recevoir une formation spécifique sur les risques professionnels et la prévention, ce qui leur permet de jouer pleinement leur rôle dans l’élaboration et le suivi du DUERP.
Les instances représentatives du personnel spécialisées, telles que la F3SCT dans la fonction publique ou les commissions spécialisées du CSE dans le secteur privé, sont des acteurs essentiels dans la gestion des risques professionnels. Leur rôle est non seulement de participer à l'élaboration du DUERP, mais aussi de veiller à sa mise en œuvre effective et à son adaptation continue face aux évolutions des conditions de travail.
Le processus règlementaire de validation du DUERP
Le processus règlementaire de validation du DUERP est un élément crucial pour s'assurer de sa conformité avec la législation et de son efficacité en matière de prévention des risques professionnels.
Élaboration initiale du DUERP
La conception du DUERP commence par une identification exhaustive des risques professionnels présents dans l'entreprise ou l'administration. Cette étape peut nécessiter la participation d'experts internes ou externes en sécurité et santé au travail.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le Comité Social et Économique (CSE) doit être consulté lors de la conception du DUERP. Dans les administrations publiques, cette responsabilité incombe désormais au Comité Social d’Administration (CSA) pour la fonction publique d'État et hospitalière ou au Comité Social Territorial (CST) pour la fonction publique territoriale (Article L. 2312-8 du code du travail et décret n°82-453 du 28 mai 1982 modifié), voire aux formations spécialisées pour la santé, la sécurité et les conditions de travail lorsqu'elles existent.
Le DUERP est ensuite rédigé, en tenant compte des observations des parties prenantes.
Validation par les instances compétentes
Une fois rédigé, le DUERP doit être soumis pour validation aux instances représentatives du personnel compétentes. Dans les entreprises, il s'agit du CSE, tandis que dans la fonction publique, ce sont les comités correspondants (CSA, CST ou F3SCT).
Les instances peuvent émettre des avis ou des recommandations sur le contenu du DUERP, qui doivent être pris en compte par l'employeur ou l'administration avant la validation finale.
Le DUERP est ensuite signé par l'employeur (ou l'autorité administrative) et validé, ce qui le rend applicable dans l'entreprise ou l'administration.
Mise à jour et validation continue
Le DUERP doit être mis à jour au moins une fois par an (Article R. 4121-2 du code du travail). Chaque mise à jour doit être validée de la même manière que lors de sa création, avec une nouvelle consultation des instances représentatives.
En cas de modification importante des conditions de travail (changement d’outillage, réorganisation, etc.), une mise à jour immédiate et une nouvelle validation du DUERP sont requises.
Toutes les versions du DUERP doivent être conservées pendant 40 ans, permettant ainsi de suivre l'évolution des risques dans le temps (Article R. 4121-3-1 du code du travail).
Contrôle et sanctions
L’inspection du travail peut contrôler la conformité du DUERP dans les entreprises. En cas de non-conformité, des sanctions peuvent être appliquées (Article L. 4741-1 du code du travail).
Au sein des administrations publiques, l'Agent Chargé des fonctions d'Inspection (ACFI) est un acteur clé dans la gestion du DUERP. Son rôle est non seulement d'assurer la conformité du document aux normes réglementaires, mais aussi de veiller à ce que les actions de prévention soient effectivement mises en œuvre et suivies. En tant que conseiller technique, contrôleur et coordinateur, l'ACFI contribue à faire du DUERP un outil efficace pour la protection de la santé et de la sécurité des agents publics.
L’employeur ou l’autorité administrative est responsable de la bonne application du DUERP et de la mise en œuvre des actions de prévention qu’il contient.
Consultation du DUERP par les salariés
La consultation du DUERP par les salariés est un droit garanti par la législation. Voici les conditions et modalités de cette consultation :
Accès libre aux salariés
Le DUERP doit être tenu à la disposition des salariés sur le lieu de travail. Cela peut se faire via une version papier accessible dans un lieu déterminé (comme le bureau de la direction) ou via un accès numérique (intranet de l'entreprise - Article R. 4121-4 du code du travail).
Tous les salariés doivent être informés de l'existence du DUERP et des modalités pour le consulter. Cette information peut être communiquée lors de l'accueil des nouveaux employés, via le règlement intérieur ou par des affiches dans les locaux de l'entreprise ou son réseau social interne (ex. : Intranet).
Conditions de consultation
Bien que le DUERP soit accessible aux salariés, les informations sensibles concernant certains risques ou mesures de sécurité peuvent être partiellement masquées pour préserver la confidentialité (Article L. 4121-1 du code du travail).
Le DUERP doit également être consultable par les membres du CSE, du CSA, du CST ou de la F3SCT, qui sont chargés de veiller à sa mise en œuvre et à son actualisation.
Durée de conservation
Selon la réglementation, toutes les versions du DUERP doivent être conservées pendant une période de 40 ans (Article R. 4121-3-1 du code du travail). Cette longue durée permet de garantir une traçabilité des risques professionnels au sein de l'entreprise ou de l'administration et de protéger les droits des salariés, notamment en cas de maladies professionnelles à manifestation retardée.
Consultation en cas de litige
En cas de litige, notamment en matière de maladies professionnelles ou d'accidents du travail, le DUERP peut être utilisé comme preuve pour démontrer les mesures de prévention mises en place ou, à l'inverse, les manquements de l'employeur en termes d'obligations et de protection vis-à-vis des travailleurs.